La loi du 3 octobre 2022 portant des dispositions diverses relatives au travail a été publiée le 9 novembre 2022 au Moniteur belge. Cette loi reprend les mesures prises dans le cadre du deal pour l’emploi.
Ces dernières années ont vu un bouleversement dans la façon de travailler (télétravail, commerce électronique, économie de plateforme).
Ce deal pour l’emploi a un double objectif :
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réformer le droit du travail pour répondre à ces nouvelles façons de travailler tout en permettant plus de flexibilité, tant pour les employeurs que les travailleurs, et en garantissant un meilleur équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle ;
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contribuer à la volonté du gouvernement de faire passer le taux d’emploi à 80 % en 2030.
1. Mesures relatives à la durée du travail et à la conciliation vie privée-vie professionnelle
1.1 Horaires variables des travailleurs à temps partiel
Le délai de notification minimal de l’horaire de travail des travailleurs à temps partiel avec un horaire variable est augmenté.
De 5 jours ouvrables à l’avance, il passe à 7 jours ouvrables à l’avance. Ce délai de 7 jours ouvrables peut être modifié par une CCT rendue obligatoire par arrêté royal, sans toutefois, pouvoir être inférieur à 3 jours ouvrables.
Les règlements de travail existants qui prévoient une période de 5 jours ouvrables doivent être adaptés dans un délai de 9 mois (« période transitoire » durant lequel le délai de 5 jours continue de s’appliquer). Toutefois, des dispositions transitoires spécifiques et différentes sont prévues pour un nombre limité de secteurs.
1.2 Semaine de quatre jours
Le travailleur, à temps plein, a la possibilité d'effectuer une semaine de quatre jours.
Lorsque la durée hebdomadaire effective de travail est égale ou inférieure à 38h, la durée maximale journalière de travail peut être portée à 9 heures 30 par jour par le biais d’une modification du règlement de travail.
Lorsque la durée hebdomadaire effective de travail dépasse 38 heures par semaine (avec un maximum de 40 heures), une convention collective de travail peut prévoir que la durée quotidienne de travail est égale à la durée hebdomadaire effective du travail divisée par quatre.
Le travailleur bénéficie d’un droit de demander l’application de cette mesure de sorte que l’employeur doit motiver le refus. Le travailleur ne peut subir de conséquence négative du fait de cette demande.
1.3 Régime hebdomadaire alterné
Le travailleur à temps plein a la possibilité d’aménager son temps de travail selon un cycle sur deux semaines consécutives. Durant ce cycle, il est possible de travailler jusqu’à 9 heures par jour et jusqu’à 45 heures par semaine, à condition que les prestations de la première semaine soient directement compensées par celles de la deuxième semaine, afin de respecter en moyenne la durée hebdomadaire normale du travail. Par exemple, si un travailleur à temps plein preste 45 heures la semaine A, il prestera 31 heures la semaine B.
Le travailleur bénéficie d’un droit de demander l’application de cette mesure de sorte que l’employeur doit motiver le refus. Le travailleur ne peut subir de conséquence négative du fait de cette demande.
1.4 Travail de nuit dans l’E-Commerce
Le travail de nuit, entre 20 h et minuit et à partir de 5 h, peut être introduit dans l’entreprise par convention collective de travail (avec l’accord d’une seule organisation syndicale) sans avoir à modifier le règlement de travail.
De plus, dans le cadre d’un projet pilote de 18 mois, l’employeur peut demander à ses travailleurs d’effectuer du travail de nuit volontaire entre 20 h et 24 h et à partir de 5 h. Cela ne nécessite pas de convention collective de travail ni de modification du règlement du travail (enregistrement nécessaire auprès de la direction générale du Contrôle des lois sociales).
1.5 Droit à la déconnexion
D’ici 2023, les entreprises comptant plus de 20 travailleurs doivent conclure des accords sur le droit à la déconnexion (par CCT ou modification du règlement de travail).
Ces accords doivent prévoir les modalités du droit, pour le travailleur, à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques.
2. Mesures visant la qualification correcte de la relation de travail
2.1 Travailleurs de plateformes (qualification de la relation de travail et assurance en cas d’accident)
Une présomption réfragable de l’existence d’un contrat de travail s’applique en cas de travail via une plateforme de travail numérique donneuse d’ordres. Pour que cette présomption s’applique, il faut qu’un certain nombre de critères soient remplis.
Les travailleurs de l’économie de plateforme indépendants doivent être assurés en cas d’accident du travail.
2.2 Rôle de la Commission Administrative de Règlement des Relations de Travail
Le fonctionnement, la procédure et le rôle de l’actuelle Commission Administrative de Règlement des Relations de Travail sont clarifiés.
En plus de son rôle actuel consistant à prendre des décisions en matière de ruling social préventif, la Commission a pour nouvelle mission de rendre des avis à la demande conjointe des parties ou à la demande unilatérale d’une des parties. Ces avis ne lient pas les organismes de sécurité sociales.
3. Mesures relatives à l’activation du licenciement
3.1 Trajet de transition
Les travailleurs licenciés pourront commencer à travailler chez un autre employeur (utilisateur) pendant leur préavis. Un tel trajet de transition se déroule toujours par l’entremise d’un bureau d’intérim ou d’un service régional de l’emploi (Actiris, Forem).
Pendant la mise à disposition, l'employeur, qui a licencié le travailleur, est redevable de la rémunération correspondant à celle qui s'applique chez l'utilisateur pour le poste que le travailleur y occupe.
Toutefois, si cette rémunération est inférieure à la rémunération en cours à laquelle le travailleur a droit en vertu de son préavis, l'employeur doit continuer à verser cette rémunération (moyennant un système de compensation avec l’utilisateur).
3.2 Promotion de l’employabilité
Lorsqu'un travailleur est licencié, moyennant un délai de préavis qui s'élève à au moins 30 semaines, le délai de préavis est converti en un ensemble de mesures, structurées en deux parties, permettant de renforcer l’employabilité (formation, coachings…).
La première partie consiste en une période de préavis ou une indemnité compensatoire correspondant aux deux tiers de la période de préavis normalement applicable, mais avec un minimum de 26 semaines.
La seconde partie consiste en une indemnité de préavis correspondant à la partie restante de la période de préavis normalement applicable ou en un délai de préavis égal au reste du délai de préavis normalement applicable.
Dans le cas d’un délai de préavis à prester, le travailleur peut s’absenter du travail, avec maintien de sa rémunération, pour participer à des activités qui augmentent son employabilité, et ce, dès le début du délai de préavis.
En cas de rupture du contrat de travail, moyennant paiement d’une indemnité de préavis, le travailleur doit se tenir à disposition pour suivre des mesures d’employabilité.
Ces mesures sont financées par la cotisation patronale de l’employeur due pendant la deuxième partie.
Cette mesure ne s'applique pas lorsqu'un trajet de transition est instauré.
4. Mesures visant la formation
4.1 Plan de formation annuel
Les entreprises de plus de 20 travailleurs doivent établir un plan de formation annuel avant le 31 mars de chaque année.
Ce plan de formation doit prévoir des formations destinées aux personnes appartenant à des groupes à risque, comme les plus de 50 ans et les travailleurs porteurs d’un handicap. En outre, le plan doit également prévoir une formation pour remédier au manque de candidats pour les professions en pénurie dans le secteur dont l’employeur fait partie.
Les partenaires sociaux peuvent, par une convention collective de travail, fixer les exigences minimales auxquelles un plan de formation devra répondre. Les conditions auxquelles doit répondre un plan de formation peuvent être déterminées annuellement par les partenaires sociaux au plus tard le 30 septembre de l'année précédant l'année à laquelle ce plan de formation s'applique.
4.2 Droit individuel à la formation
Jusqu’à présent, le droit à la formation était collectif, et consistait en un nombre moyen de jours de formation par équivalent temps plein, répartis dans l’entreprise. Désormais, il est individuel et concerne chaque travailleur.
Si l’entreprise compte au moins 20 travailleurs, le nombre de jours de formation sera de cinq par an et par travailleur à temps plein. Ce quota de 5 jours sera en fait d’application en 2024 et sera de 4 jours en 2023.
Si l’entreprise compte entre 10 et 20 travailleurs, ce droit sera d’un jour par travailleur à temps plein et par an.
Les partenaires sociaux peuvent, par convention collective de travail rendue obligatoire, modifier le nombre de jours de formation, sans que celui-ci ne puisse être inférieur à deux et sans la possibilité de réduire le nombre de jours dans la trajectoire de croissance.
5. Autres mesures
5.1 Monitoring de la diversité et de la discrimination sur le marché du travail au niveau sectoriel
Le plan national pour la reprise et la résilience prévoit un "suivi scientifique" de la diversité et de la discrimination sur le marché du travail au niveau sectoriel.
Il est prévu d'associer plus étroitement les secteurs à ce suivi, via les commissions et sous-commissions paritaires.
Concrètement, les partenaires sociaux seront invités à établir un rapport ayant trait à cette problématique sur base de fiches rédigées par les services compétents.
5.2 Monitoring des métiers en pénurie
Les partenaires sociaux sont impliqués d’avantage dans le monitoring des métiers en pénurie.
Au vu des spécificités propres à chaque secteur d’activité, la participation des commissions et sous-commissions paritaires dans le processus d’identification des métiers en pénurie ainsi que des causes à l’origine de ces pénuries permettra d’apprécier la situation réelle sur le marché de l’emploi.
Il est également prévu que les commissions et sous-commissions paritaires développent des recommandations sur les mesures qui permettraient de remédier à ces pénuries de main d’œuvre.
5.3 Création de fonds de sécurité d’existence intersectoriels
La loi sur les fonds de sécurité d’existence est adaptée afin d'offrir aux commissions et sous-commissions paritaires, la possibilité de créer des fonds intersectoriels.
L’objectif est de faciliter la mobilité intersectorielle des travailleurs d'un secteur vers les métiers en pénurie d'un autre secteur par le biais d'actions communes, par exemple, en facilitant des formations au-delà des attributions de son propre fonds.
Cet outil devrait également permettre d’harmoniser le paysage paritaire dans la concertation sectorielle et de mettre en place une coopération intersectorielle pour aborder conjointement les questions d'éducation et de formation tout au long de la vie, de faisabilité de travail et de carrières plus longues.