Thierry Moutoy (PointCulture) a interviewé Ava Dobrynine, diplômée de Saint-Luc à Bruxelles en Arts numériques. Véritable artiste numérique et passionnée de storytelling, elle officie en tant que storyboarder pour le studio Waooh!. Elle contribue aussi au domaine de la bande dessinée.
Le numérique a changé notre façon de travailler, y compris dans des métiers artistiques. Tu es storyboarder pour le studio Waooh ! En quoi consiste ton métier ? Quels outils, programmes, utilises-tu ?
Ava Dobrynine : "Je suis effectivement storyboarder pour le studio Waooh ! à Liège. Le travail que j'y fais consiste en deux choses : premièrement, sur base d'un script et de notes de réalisation, créer un storyboard, ou plus précisément un « animatique » (c'est à dire une version légèrement animée du storyboard, avec des voix, effets sonores et timing définitif) qui va permettre d'avoir une vue d'ensemble assez précise sur un épisode d'une série animée. Deuxièmement, récupérer les storyboards réalisés par des collègues et les mettre au propre, m'assurer que tout est lisible et conforme à ce qui est demandé au niveau des annotations."
"Je travaille avec les programmes Toonboom Storyboard Pro et Blender, le tout avec une tablette graphique. Pour ce genre de série, nous récupérons beaucoup d'assets (éléments) en 3D des boîtes de production, notamment les décors et modèles des personnages. Nous les utilisons pour être sûrs d'avoir les bonnes échelles de taille (que ce soit pour les interactions, mises en scène, déplacements...). En gros, une scène ou un shot va être préparé dans Blender, avec les décors et les modèles fournis, on va travailler tous nos angles de caméras et prendre des captures du résultat. Une fois que c'est fait, dans Storyboard Pro, on va redessiner par-dessus pour mettre en avant les détails tels que l'acting du personnage (ses mouvements, son expression, etc.), puis y ajouter du son et régler les timings du board."
Est-ce que le numérique a fait évoluer ta façon de travailler ? Quelles ont été les changements majeurs ?
Ava: "De la même façon qu'ayant grandi avec des jeux vidéo, j'ai commencé à toucher à la 3D pour faire des mods, etc. Après, c'est agréable de voir la façon dont le numérique évolue constamment pour toujours apporter de nouvelles solutions, et faciliter le travail. Au final, permettre de gérer plus rapidement certaines étapes permet de mieux se concentrer sur le plus important, et je trouve ça assez fantastique. Disons que ce en quoi le numérique change la donne, c'est qu'on doit faire attention à toujours être à jour, car le progrès va vite de ce côté-là."
"En storyboard, de nouvelles technologies (notamment la refonte d'un outil bien spécifique de Blender) ouvrent de nouveaux horizons pour la façon dont on va travailler le storyboard en 3D d'ici quelques années, et c'est important de déjà s'y préparer ; non seulement car ça sera probablement demandé à l'avenir, mais aussi parce que ça permet de soi-même faire des choses complètement nouvelles. En contrepartie, le numérique apporte tellement de solutions et de techniques qu'il faut aussi faire l'effort de ne pas perdre de vue l'essentiel de son travail ; ne pas se perdre dans des effets visuels qui donnent bien, au détriment d'une narration convaincante ou touchante."
Quelle a été ta contribution au mook Mars ? Comment as-tu été amenée à travailler sur ce projet ?
Ava: "J'ai travaillé sur des illustrations pour le mook Mars, dans le but de lui donner une identité graphique propre. Le rédacteur en chef du mook, Didier Schmitt, est le scénariste de la bande dessinée sur laquelle je travaille pour le moment, Safari rouge (le volume 2 vient de sortir !). Dans le cadre du projet BD qui raconte un voyage vers mars en 2080, et qui se penche sur les technologies et enjeux éthiques de notre avenir (c'est une histoire d'anticipation), Didier a souhaité, avec notre éditeur, Weyrich, de lancer un projet de mook en parallèle. Sachant que moi et mes collègues sur la BD sommes déjà dans le projet, ils nous ont proposé de participer."
Où en est ton projet de jeu vidéo ?
Ava: "Mon, ou plutôt mes projets de jeu vidéo existent toujours, occasionnellement je vais me pencher dessus pour m'amuser ou apprendre (j'ai passé les dernières semaines à me former en Blueprint, dans Unreal Engine), mais rien de concret ou de « finalisable » pour l'instant. À voir pour le futur, mais je préfère m'orienter vers un format gamejam pour le moment."
Interview (par e-mail) : Thierry Moutoy, janvier 2021