En 2017, le réalisateur de “Festen” Thomas Vinterberg, l’un des fondateurs du mouvement danois Dogma, a filmé la véritable histoire du “Kursk”, à propos des soldats de la marine russe qui se sont noyés après une explosion à bord de leur sous-marin dans la mer de Barent car les secours ont mis trop longtemps à arriver. C’est devenu à la fois un grand film d’aventures, riche en scènes d’action et un sous-marin CGI, ainsi qu’un concept vintage de Vinterberg. Cette grosse co-production a été en grande partie filmée en Belgique et a notamment généré près de 2.000 jours de travail pour les techniciens audiovisuels et les acteurs.
Sous l’égide du directeur photo oscarisé Anthony Dod Mantle, trois membres actifs de SBC ont également collaboré à cette production. Patrick Otten était directeur photo second unit et opérateur B-cam, Wim Michiels était responsable des prises de vue sous l’eau et Jo Vermaercke a été nommé en tant qu’opérateur steadicam et dp-opérateur Second unit.
SBC & mediarte ont discuté avec ces trois professionnels du travail sur un plateau de tournage de grande envergure, de l’importance de la communication interne, des défis techniques complexes et de ce que cela fait de faire partie d’une structure de travail solide et bien huilée.
Il est très inhabituel de voir 3 membres de SBC travailler ensemble, sur une grosse production internationale. Comment le réalisateur Thomas Vinterberg est finalement arrivé chez vous ?
Wim Michiels: “Nous avons été contactés séparément. Via une connaissance commune de Belga Film, Laurent Hanon, tout a été lancé. Nous avons été interviewés tous les trois dans le même hôtel, mais à des moments différents (rire).”
Patrick Otten:”Comme mes collègues, j’ai été invité pour un entretien avec Anthony Dod Mantle, par l’intermédiaire de Laurent. (Je suppose après avoir visionné des bandes et consulté la base données IMDB etc.)
Lors de cette conversation, il s’est avéré que nous avions des connaissances communes parmi nos collègues, mais aussi avec des techniciens dont Lester Dunton, qui a conçu la caméra spéciale pour les voitures de Formule 1 de Rush (2013, le film sur James Hunt & Niki Lauda, auparavant travail d’ADM )
Le fait que j’aie déjà travaillé avec Lester Dunton et que je le connaisse bien a, selon moi, ouvert une porte vers Kursk. Ceci, avec mon amour pour les objectifs, je crois. Au départ, on m’a demandé de travailler en solo, second unit DOP pendant une vingtaine de jours. Peu après, pendant les préparatifs, on m’a demandé si je voulais bien prendre en charge auprès d’Anthony la B-cam et tout à coup, j’avais 85 jours de tournage devant moi. Ce récit a encore pris une autre tournure quand il s’est avéré que je m’entendais bien avec Philippe Desiront, le superviseur VFX canadien sur ce tournage. Etant donné la complexité technique des scènes, incluant des enregistrements sous l’eau, des explosions et du travail green-key, on m’a demandé de devenir, d’un point de vue CGI, directeur de la second unit avec Philippe. Cela semblait le choix le plus logique pour la production, compte tenu de nos bagages techniques respectifs."
Wim Michiels: “J’ai finalement eu 25 jours de tournage sous l’eau, ce qui est considérable. Lors du premier entretien, j’avais ma showreel avec moi, principalement des prises de vue sous-marines, mais le DOP (Anthony) ne l’avait pas vraiment visionnée. La conversation portait sur mille et une choses, des objectifs aux prises de vues sous-marines et à la plongée. Il s’agissait plutôt d’un entretien dirigé vers une évaluation personnelle. Ensuite, Vinterberg est venu pour une discussion supplémentaire et mon rôle sur le plateau a été déterminé assez vite, sous l’influence directe d’Anthony.”
Jo Vermaercke: “J’ai été également introduit à Anthony et Thomas via le co-producteur belge, Laurent Hanon, avec qui nous avions tous trois collaboré avec succès auparavant. Après mon entretien agréable avec Vinterberg et Anthony, dont la plus grande moitié a porté sur le film même (rire), j’ai été contacté à nouveau la semaine suivante pour une nouvelle discussion. Nous avons alors visionné la showreel. Une semaine plus tard, j’ai reçu la confirmation, littéralement, que j’étais engagé.”
Dans quelle mesure le chef DOP vous donne t-il des directives concrètes lorsque vous travaillez ensemble pour la première fois ?
Patrick Otten: “Vous recevez certainement des directives mais cela diminue progressivement à mesure que vous gagnez en confiance. Du fait que nous avions visionné les rushes sur le serveur, nous recevions un feedback quotidien et c’est ainsi qu’un lien de confiance a grandi avec Anthony et aussi Thomas. ADM avait une vision et un look clairs à l’avance pour le film. Dans le cas qui nous occupe, nous parlons d’un film très spécifique. Le réalisateur Thomas Vinterberg, qui n’est pas vraiment connu pour la réalisation de films à grand spectacle, a donc ici aussi travaillé en dehors de sa zone de confort. Pendant les briefings complexes et aussi très techniques, Vinterberg était parfois un peu moins au premier plan.”
Wim Michiels: “En même temps, cela fait aussi la différence dans ce film. Ce n’est pas un film d’action pur mais plutôt un rendu impressionniste de ce qui s’est passé à l’époque, dans lequel le drame se déroulait dans les familles des personnages concernés. L’instinct de survie est le fil conducteur et là nous nous situons bien dans le domaine de Vinterberg. La préparation technique était assez intense. Il y a eu un processus de dix jours de tournage, purement des tests caméra sous l’eau, ce qui est vraiment beaucoup. Ceci en plus de tous les autres préparatifs nécessaires. Durant cette période, les collaborateurs pouvaient apprendre à se connaître, et c’est exactement ce que Patrick disait, cela offre la possibilité de gagner en confiance. Anthony et Thomas ont vraiment beaucoup contribué, chacun devait alors tenter de traduire cela en un résultat concret. Pour moi, cela signifiait déterminer le look sous l’eau, réfléchir ensemble à propos des objectifs possibles, des sources de lumière, des systèmes de caméra… tout devait être passé en revue. Le DOP devait tout avoir étudié en détail.”
Quel système de caméra a finalement été choisi, étant donné la spécificité du film ?
Wim Michiels: “Le choix s’est porté sur une caméra Canon full frame réglée, tenez-vous bien, sur 44.000 ASA.”
Patrick Otten: “Etant donné que nous filmions sous l’eau, et que dans le scénario à un moment donné, ce qui restait de l’électricité tombait en panne, le choix d’une caméra ultra sensible était évident. Nous devions également tenir compte du bruit, du grain, qui relèvent de ces hautes valeurs ISO.
Wim Michiels: “Anthony voulait ce look & feel granuleux comme résultat final pour le film. Vous devez vous imaginer que toutes les images étaient ‘denoised’ en post-production, ce qui en soi est un petit exploit. Le résultat final est donc plus que réussi. Avec un réglage de 44.000 ASA, la caméra n’avait plus de latitude non plus, le premier jour de tournage sous-marin était donc horrible. Sous l’eau, allumer une petite lampe de poche donnait instantanément une surexposition extrême !”
Patrick Otten: “Anthony (DOP) a développé une relation personnelle avec Canon Japon - par le passé, ils ont aussi travaillé ensemble sur des projets. Le choix d’Anthony s’est porté sur un petit boîtier autour d’un capteur, avec quelques connecteurs et qui existait seulement dans une boîtier EF, nous avons donc cherché une solution pour pouvoir utiliser des objectifs ‘cinéma’ et la possibilité d’adapter autour un boîtier pour Wim.
Wim Michiels: “Par hasard, j’avais trouvé un set d’objectifs Leica en Angleterre -puis, il est apparu que Patrick possédait aussi un set Leica adapté au boîtier de la caméra. Ensuite, nous avons investi beaucoup de temps dans le boîtier caméra. Tout devait pouvoir communiquer, tous les signaux pouvoir être lus… une question technique et mécanique.”
Avez-vous également bénéficié sur ce tournage de votre zone de confort ? Comment se passait la communication sur le plateau ? Quels étaient pour vous les plus grands défis ?
Wim Michiels: “Je pense que c’était un énorme défi pour beaucoup de techniciens qui ont collaboré au projet. Installer la lumière sous l’eau à 44.000 ASA dépasse finalement la zone de confort de la plupart d’entre nous. Une fois que nous, en tant que département caméra, avons obtenu la confiance du réalisateur et du DOP, le travail s’est déroulé très agréablement pour nous. Nous avions bien un système séparé d’interphone, pour communiquer les uns avec les autres pendant les enregistrements. Anthony a au préalable donné une idée de ce qui devait être effectué et a surtout raconté des histoires afin de créer une atmosphère. Etrangement, il utilisait rarement le langage visuel technique, le langage imagé de la caméra. C’était à nous de bien interpréter cela émotionnellement. Si tout allait bien, nous étions rappelés hors de l’eau pour partager un café (rire).”
Patrick Otten: “Il n’y avait aucun angle de vue où la caméra n’était pas sur rails ou ne se déplaçait pas. Le bateau pouvait se trouver en studio sur 4 à 5 niveaux d’eau, et la coque était modulaire afin que les caméras puissent disposer de l’espace nécessaire pour se déplacer. Le défi le plus important était la bataille physique quotidienne contre l’eau et le feu, tout comme pour le casting. Pour le l’éclairagiste et le machiniste, il y avait beaucoup de défis, dommage que leurs histoires ne puissent pas être racontées ici.”
Wim Michiels: “J’ai, avec mon épouse, formé quarante personnes - acteurs et cascadeurs - au travail sous l’eau. Différentes catégories ont été définies, selon le type de travail que ces collaborateurs étaient autorisés à effectuer. Tout le monde n’était pas capable d’effectuer des cascades sous l’eau.”
Vous êtes-vous trouvé ensemble tous les trois au même moment sur le plateau ?
Wim Michiels: “En fait, nous n’avions pas beaucoup de séquences sur lesquelles tous les membres de SBC étaient actifs en même temps.”
Patrick Otten: “Tous les studios AED, à Lint, ont été mis au travail pour cette production. Cela s’est traduit par plusieurs plateaux, parallèles, où la construction et le travail aux séquences s’effectuaient simultanément. Nous avons constamment montré les uns aux autres ce qui avait été tourné et nous fonctionnions sur base du feedback émanant du plateau principal.”
Quelle était pour vous la grande différence avec le déroulement des opérations d’une production belge ? L’approche d’un DOP sur ce tournage était-elle autre que celle à laquelle vous êtes habitués ?
Wim Michiels: “Ce qui était intéressant et que vous rencontrez rarement sur une production belge, c’est que chaque jour de tournage commençait à 7h. Le matin et tout le reste de la matinée, nous recherchions comment nous apporterions quelque chose à l’image.
Ce processus de préparation, pendant lequel Vinterberg et le DOP donnaient des instructions à une équipe de presque 100 personnes, se poursuivait jusqu’au lunch. On tournait seulement dans l’après-midi.”
Jo Vermaercke: “Nous avions le sentiment que nos heures supplémentaires commençaient au début du jour de tournage (rire). Nous avons l’habitude d’arriver sur le plateau, de faire un récapitulatif avec le réalisateur et les acteurs et ensuite d’enregistrer. Dans ce cas-ci, c’était tout à fait l’inverse. Cela a également à voir avec les personnalités qui se trouvaient sur le plateau.Vinterberg et Anthony sont tous deux des professionnels mais ils ont des caractères très forts dont vous devez tenir compte, être capable de les gérer.”
Patrick Otten: “Dans une production belge, on doit tous aller dans la même direction. De ce fait, tout le monde essaie de retirer le maximum des moyens et du temps disponibles, de respecter le planning. Il y a plus de pression je pense, de la part de la production et de l’assistance à la réalisation afin de rester dans les limites. Sur le plateau de Kursk, il restait de la marge pour rechercher, s’interroger, adapter et improviser, ce que vous n’attendez pas d’une telle production.”
“Un plan clair a été établi, jusqu’à ce que tout le monde atteigne le niveau défini sur le plateau. Si cet objectif n’était pas atteint, alors on ne tournait simplement pas.”
Wim Michiels: “En ce qui concerne mon département, je suis très satisfait du résultat final des scènes sous-marines. C’est la suite logique des dix jours de préparatifs qu’ils avaient planifié. Cette préparation énorme paie tout simplement et un tel luxe se rencontre peu ou pas sur les tournages belges.”
Jo Vermaercke: “En raison de la structure encombrante de l’énorme machine de production, il n’était pas évident d’engager tout le monde dans le même mouvement créatif. On a vraiment investi du temps pour cela. Vinterberg essayait aussi souvent d’autres versions alternatives d’une scène; une approche totalement différente de la scène, afin d’avoir suffisamment de choix lors de l’editing. Un autre luxe que Thomas pouvait se permettre, en partie grâce à sa position de réalisateur. Nous ne parlons donc pas ici d’ego, mais plutôt d’une sortie de vision focalisée, combinée avec une sérieuse dose de tripes, compte tenu de l’ampleur de cette production. Cette liberté de penser et de créativité était remarquable à observer.”
Wim Michiels: “Vous devez également motiver votre département, tout le monde doit être concentré sur le résultat final. J’avais une grande responsabilité, étant donné l’équipe sous-marine que je devais diriger et cela signifiait bien adapter. La forme de communication aussi était différente de celle à laquelle nous sommes habitués, ce qui constituait également un défi.”
Qu’avez-vous personnellement appris sur ce projet ?
Patrick Otten: “J’ai acquis d’autres vues sur les cascadeurs. Principalement que les cascadeurs ne peuvent pas nécessairement jouer la comédie. Vous pouvez monter les scènes les plus folles, mais si vous avez à faire avec 4-5 cascadeurs, vous remarquez vite que certaines scènes n’atteignent pas le niveau sur le plan de la performance d’acteur. Techniquement, tout peut être parfait mais si vous sentez que ces cascadeurs ne peuvent pas répondre aux attentes devant l’objectif fixé par Thomas et Anthony, cela ne rend pas votre job en tant que second unit director plus facile!”
Wim Michiels: “Si une certaine scène n’était pas assez bonne, elle était simplement supprimée, même si on y avait travaillé pendant des jours avec des dizaines de personnes. Je me rappelle d’une scène où un rafter dans le sous-marin coule, et où Vinterberg à un moment donné, alors que des tonnes d’eau se déversent sur le plateau, dit ‘Is that it?’ (rire).
Là, vous saviez immédiatement que cette scène n’allait pas faire partie du montage. La barre était mise très haut dès le premier jour de tournage.”
Jo Vermaercke: “J’ai surtout appris que sur de telles grosses productions, on évalue différemment le rendement quotidien. Une grande partie de la matière n’a pas atteint le niveau du montage - plus de 100h de matière ont été réduites à 2h. Cela a principalement à voir avec la référence de qualité que Thomas et Anthony avaient fixée. Des jours durant, nous avons été occupés avec une scène énorme sur un bateau à Toulon (FR), avec une grande équipe et aucune partie de ce tournage n’a été retenue dans le film.”
“La plus grande leçon que j’ai tirée d’un tournage de film d’une telle ampleur, se situe dans le social engineering; comment gérer différents personnages et personnalités avec de grands états de carrière."
Wim Michiels: “Si une certaine scène n’était pas assez bonne, elle était simplement supprimée, même si on y avait travaillé pendant des jours avec des dizaines de personnes. Je me rappelle d’une scène où un rafter dans le sous-marin coule, et où Vinterberg à un moment donné, alors que des tonnes d’eau se déversent sur le plateau, dit ‘Is that it?’ (rire).
Là, vous saviez immédiatement que cette scène n’allait pas faire partie du montage. La barre était mise très haut dès le premier jour de tournage.”
Jo Vermaercke: “J’ai surtout appris que sur de telles grosses productions, on évalue différemment le rendement quotidien. Une grande partie de la matière n’a pas atteint le niveau du montage - plus de 100h de matière ont été réduites à 2h. Cela a principalement à voir avec la référence de qualité que Thomas et Anthony avaient fixée. Des jours durant, nous avons été occupés avec une scène énorme sur un bateau à Toulon (FR), avec une grande équipe et aucune partie de ce tournage n’a été retenue dans le film.”
Patrick Otten: “Je reviens encore sur le social engineering. Finalement, il s’agit d’une forme de politique, de diplomatie, où vous devez constamment anticiper ou vous adapter au sein d’un plus grand tout. Les enjeux se situent beaucoup plus haut que ceux auxquels nous sommes accoutumés. C’est une forme de jeu d’échecs ou de stratego dans lequel chaque décision a des conséquences coûteuses. Il s’agissait aussi de s’habituer à la hiérarchie et de naviguer entre trois fortes personnalités; en l’occurence, réalisation, image et direction artistique (Thierry Flamand). M’adapter au goût d’un autre DOP, c’est aussi s’habituer mais c’est rapidement devenu un enrichissement.”
Wim Michiels: “La technologie, vous l’avez, cela n’est pas remis en question. Mais l’aspect humain fait ou rompt la collaboration sur un tournage de cette ampleur. Vous devez aussi motiver votre département, tout le monde doit se concentrer sur le résultat final.”
Jo Vermaercke: “Vous devez avoir un sacré bagage humain et pouvoir faire preuve d’empathie envers les attitudes dans un ensemble plus vaste et plus complexe. On vous attribue une place particulière où quelque chose de très spécifique vous est demandé. On attend de vous que vous produisiez et ajoutiez une plus-value.”
Pour quel set-up technique a t-on opté ? Quelle était l’ampleur des défis techniques ?
Patrick Otten: “Tout a été tourné sur boîtiers Arriflex avec des Canon K35-primes (2 sets), Schneiders (rehoused) pour certaines scènes et exceptionnellement, une caméra Flare, une mini-caméra avec un petit capteur et des objectifs C-mount, qu’Anthony a généralement sur son plateau et avec lesquels il fait des choses dingues. Pour ce faire, j’ai conçu personnellement un boîtier de caméra sous-marine pour les scènes dans l’eau. Cette caméra plutôt industrielle a été conçue de façon ergonomique par un ami d’Anthony, ingénieur suédois et a la possibilité de travailler en mise au point rapprochée, ce qui rend la profondeur de netteté inférieure à ce que vous pouvez attendre de ce type d’appareil. Il s’agit d’une sorte de caméra qui se porte à la main qu’Anthony a utilisé dans ses films précédents et qui a été adaptée à ses souhaits. Pour les enregistrements en plongée, la caméra full-frame Canon aux valeurs ISO super élevées a été utilisée. Il y avait des boîtiers sous-marins splash & crash adaptés à toutes les situations possibles.”
Wim Michiels: “La relation qu’Anthony avait avec les ingénieurs de Canon Japon a également apporté une plus-value à la production. Ils ont construit cette caméra pour les enregistrements sous l’eau spécialement pour Anthony, en PL-mount, ce qui en soi est plutôt exclusif. En plus de cela, nous en avions demandé une deuxième, comme caméra de réserve (rire). Je pense que nous, modestes belges, avons pu faire jouer ici notre bagage technique, étant donné que le DOP - et l’équipe de production - nous ont demandé vraiment beaucoup de backup technique et de conseils. C’est ainsi que nous avons spécialement conçu des sources légères de lumière pour ces scènes. Le bain dans lequel on tournait avait une profondeur d’environ 3m80, nous devions donc avoir une lumière très ”plate”, afin de pouvoir éclairer au fond du bassin sans mettre le reste en péril. Nous avons également laissé les panneaux plats de très légère intensité flotter à la surface.”
Patrick Otten: “En plus de son propre look, ADM avait également le système permettant d’utiliser la différenciation des couleurs dans l’éclairage de chaque scène et de travailler avec deux couleurs contrastées, parfois légèrement complémentaires; ce qui lui a donné plus de possibilités dans le grading. Un DIT était présent aussi sur le plateau pour garder un oeil et dans les rushes -online- nous recevions aussi le look et l’orientation préalablement définis.”
Jo Vermaercke: “Tout a été tourné sur RAW, étant donné la grande partie CGI du film, avec par conséquent d’énormes quantités de données. Vous sentiez aussi sur le plateau que tout avait été préparé dans les moindres détails et que la consultation était permanente entre le superviseur VFX et le département caméra. Vous saviez précisément ce qui était nécessaire.”
Wim Michiels: “Le processus de post-production a également été préparé à la perfection, parcouru plusieurs fois au préalable. Rien n’a été laissé au hasard. Toute l’énergie investie était substantielle.”
Qu’en est-il des règles de sécurité sur un tel tournage de film complexe ?
Wim Michiels: “Etant donné que nous étions confrontés à des enregistrements risqués, cela avait un impact sur les dispositions de sécurité et l’assurance de la production. Nous avions des éclairagistes certifiés à disposition pour les enregistrements sous-marins, une fonction qui en Belgique n’existe pas.
Ensuite, vous étiez confrontés à des questions complexes d’assurance, complètement inconnues chez nous. Sans parler du fait que ces prescriptions de sécurité doivent nous être expliquées en détail. A cet égard, nous avons vraiment encore beaucoup de travail ici !”
Jo Vermaercke: “Non seulement, vous constatez ce phénomène dans les tournages sous-marins mais nous le constatons aussi dans le gréement. Une fois que vous vous mettez au travail à l’étranger, vous travaillez avec des personnes certifiées, des professionnels autorisés recrutés spécifiquement sur base de l’analyse des risques. En Belgique, nous n’avons pas -encore- cela. Cette culture de la sécurité est encore loin d’être établie sur les plateaux de tournage belges. Pour mettre cela dans une perspective positive, cela nous aide (cfr le paysage local du film) à élever cette norme au niveau des producteurs.”
Wim Michiels: “Pour les tournages aquatiques et sous-marins, il s’agit simplement d’une priorité absolue. J’ai été très heureux que nous ayons pu imposer nous-mêmes les mesures de sécurité pour le département sous-marin. Surtout car ces dernières années, dans mon secteur, nous avons acquis une certaine expertise. Pour cela, la production anglaise a dû faire venir quelques personnes.”
Interview en collaboration avec Lou Berghmans - SBC