Isabelle Wats a débuté sa carrière dans l’industrie pharmaceutique avant de se réorienter dans le coaching, un domaine qui en était alors à ses prémices en Belgique. Très vite, elle crée une école pour coacher à la fois des individus et des entreprises dans le secteur non-marchand. Elle accompagne les personnes avec la méthode du coaching évolutif. Ce type de coaching tient compte de comment la personne peut évoluer dans son contexte en fonction de ses événements de vie, mais aussi en fonction de ses forces, de ses talents et de ses croyances. Isabelle Wats forme également de futurs coachs. Nous l’avons rencontré pour discuter des peurs et du stress causés par le contexte dans lequel nous vivons actuellement.
Après 6 mois de mesures gouvernementales liées au coronavirus, quelles sont les conséquences principales sur nos émotions ?
Isabelle: "La peur et la colère sont les deux émotions dominantes. Ce qui émerge surtout actuellement, c’est la peur du futur. Il y a énormément d'incertitudes et d’inconnu depuis le début de cette crise, notamment au niveau financier. Au début de la crise, on constatait des peurs liées à la maladie et on était ‘docile’ face aux mesures. Le but de l’isolement était de protéger les plus faibles, ce qui était considéré comme logique par la population.
"Aujourd’hui, il y a énormément de tensions et chacun est tendu pour ses propres raisons. Pour certains, c’est la peur de l'inconnu et de ne pas avoir assez d’argent dans les mois qui viennent. Pour d’autres, c’est une tension liée aux mesures et au contexte actuel. À cause des mesures gouvernementales persistantes, les gens se réveillent en se disant que c’est plus possible de continuer. On constate une révolte naissante."
Beaucoup de personnes sont au chômage ou ont des difficultés à trouver un emploi. Comment rester positif face à cette situation et continuer à avancer ?
Isabelle: "La crise nous invite à nous redéfinir. Si on aimait ce qu’on faisait, le secret c’est de continuer à créer et à faire des choses qu’on aime. Si on aimait pas ce qu’on faisait, il faut vivre cela comme une invitation à faire quelque chose d’autre.
"Dans le système des peurs, on en retrouve trois différentes. La peur mentale : “je pense à mon futur, j’ai peur de ce qu’il pourra m’arriver”. Cette peur peut être travaillée. La peur émotionnelle qui se traduit par des souvenirs d’échecs, et la peur pour sa survie. Cette dernière est plus difficile à contrôler. Dans notre contexte, on nous impose quelque chose et, comme l’animal, soit on attaque, soit on est tétanisé, soit on fuit. C'est là le défi de chacun, quel que soit son secteur, de sortir de cette tétanie grâce au mental.
"À partir du moment où l’on se met en action, on se sent plus en accord avec soi-même et la peur passe. La peur n’est pas efficace pour avancer mais elle peut être utile pour percevoir le désir qui se cache derrière. Par exemple, la peur de pas avoir assez d'argent, c’est en fait un désir d’en avoir assez et d'être à l’aise financièrement. Il faut nourrir ce désir plutôt que la peur : “je vais aller vers...”. Dans notre esprit, cela va créer un état plus positif et permettre de voir les opportunités plutôt que les obstacles. Il faut aussi éviter de penser ceci: “maintenant de toute façon on aura pas de nouveaux jobs”, mais plutôt se construire une réalité sur laquelle on a du contrôle. On ne peut pas changer la situation mais on peut se changer soi-même et influencer notre environnement immédiat."
La crise nous invite à nous redéfinir.
En entreprise, comment reconnaître le stress de ses employés ou des freelances et comment les accompagner ?
Isabelle: "Le message de l’employeur est très important. Il faut que la direction laisse la porte ouverte à l’individu de rester lui-même, même si on doit encore respecter des consignes. C’est important que la direction parle avec authenticité et qu’elle ose dire qu’elle ne sait pas ce qu’il va se passer, qu’elle a certaines obligations à imposer, tout en considérant les employés comme des adultes. Si on demande juste aux employés d’obéir, cela risque de créer des frustrations chez les gens. C’est important aussi de pousser les employés à exprimer leurs émotions.
"En entreprise, j’ai remarqué que ceux qui souffrent le plus, ce sont ceux qui ne supportent pas l’isolement et qui n’ont pas assez de contact sociaux. Il y a deux manières de traverser la situation : soit on râle, on perd en énergie et on se détruit soi-même, soit on accueille les contraintes et on se demande ce qu’on peut faire dans ce cadre-là pour trouver du plaisir, pour avoir des contacts avec ses collègues et rester dans les relations humaines. Bien sûr, cela demande à chacun d’être créatif."
Beaucoup d'entre nous se trouvent encore en télétravail. Quels conseils donneriez-vous pour créer un environnement serein et rester productif quand on travaille de chez soi ?
Isabelle: "Se fixer ses objectifs différemment. Souvent, les gens pense qu’un objectif c’est “faire quelque chose”. On doit apprendre à reformuler l’objectif en le conjuguant : “aujourd’hui, j’aurai pris rendez-vous avec cette personne là”, “aujourd’hui, j’aurai terminé ceci”. L’objectif a plus de de chance d’être mis en action que si cela reste une intention.
"On peut également déterminer des récompenses après l’effort : “Si je finis ceci à telle heure, je prend 30 minutes de pause après pour me balader, faire du sport,...”. Il faut bien doser plaisir et effort quitte à changer son horaire habituel et savourer la liberté du télétravail qui permet plus de flexibilité.
"Il est aussi très important de choisir des objectifs qui nous conviennent à nous et qui ne nous sont pas imposés."
Comment rendre notre stress plus supportable ?
Isabelle: "En utilisant notre mental et notre corps. C’est-à-dire, tout ce qui va augmenter l’hormone du bonheur - l’ocytocine - via le sport, la méditation, le relationnel et la vie sociale. On doit continuer à vivre pour ne pas perdre notre vie intérieure, sinon on s’éteint. On peut prévoir des activités qui nous rendent heureux, ce qui va prendre la place du stress anxiogène. Cela demande une certaine volonté. Si on y arrive pas, on peut demander de l’aide à un ami ou un partenaire pour nous y encourager."