Wallonia Games Association (WALGA) est l’association sectorielle des développeurs de jeux vidéo en Wallonie. Elle assure la promotion des jeux vidéos wallons et de ses utilisations ainsi que la représentation et le réseautage des acteurs de cet écosystème. Nous avons interviewé Jean Gréban, coordinateur de WALGA.
Comment et quand WALGA a-t-elle été créée ?
Jean: "WALGA a été créée en 2015 par les trois studios pionniers en Wallonie (Fishing Cactus à Mons, Appeal à Charleroi et Abrakam Entertainment à Liège). Ces studios ont été à l’initiative de WALGA, avec Technocité , centre de formation du Forem."
Quel soutien offrez-vous à l'industrie du 'game development' aujourd'hui ?
Jean: "Notre but est de représenter le secteur et de fédérer les startups, les freelances, les studios établis, les écoles et centres de formation ainsi que les structures publiques qui s’adressent au gaming, comme Wallimage qui intervient dans l’écosystème en tant que structure publique de financement. On collabore aussi avec des structures existantes de soutien et/ou de développement économique pour la création d’entreprise."
Quelles sont les missions de WALGA ?
Jean: "Représenter les acteurs du secteur, leur donner de la visibilité et créer des synergies grâce à la dynamisation de l’écosystème. On s’occupe de mettre en relation des freelances ou des demandeurs d’emploi avec les studios lorsque l’un d’entre eux recherche des compétences spécifiques.
Cette dynamisation se fait aussi au travers d'événements avec les ‘Game Dev café’. Le principe est de réunir des développeurs qui viennent présenter leur création à d’autres développeurs. Ils en discutent autour d’un verre et des connexions se font. Cela peut arriver que, suite à une rencontre, ils commencent un projet ensemble car ils ont des compétences complémentaires et une vision commune.
La promotion du secteur, nationalement et internationalement, via des événements et des salons. En Belgique, Made in Asia et gaming zone aux Ardentes sont des bonnes opportunités pour toucher le public cible. Cela permet aux développeurs d’aller faire tester leur jeu auprès des joueurs en amont du projet et de récolter du feedback pour l'améliorer. Cela amène aussi une communauté de followers qui leur permet par la suite de créer un crowdfunding et, au moment de la commercialisation du jeu, d'avoir une audience qui est déjà prête à acheter le jeu.
À l’international, on travaille sur des salons B to B. Par exemple, Gamescom à Cologne et GDC à San Francisco, qui sont tous les deux soutenus par l’AWEX*. Grâce au soutien financier de l’AWEX*, on peut offrir un stand aux startups qui démarrent et qui n’ont pas tout de suite accès à des financements et donc pas les moyens d’aller vers ce genre de salons par eux-mêmes.
Étendre le Tax Shelter aux jeux vidéo est aussi une de nos missions. C’est une des grandes demandes des studios déjà bien établis. Si on peut obtenir plus de budget grâce au Tax Shelter, cela va également attirer les investisseurs privés.
Le dernier axe, c’est l’accompagnement de porteurs de projet qui ne sont pas encore constitués en société. On leur apporte des compétences supplémentaires qu’ils n’ont pas forcément eu l’occasion de développer à l'école, comment faire un business plan ou démarcher des financiers et des investisseurs. On les assiste dans le développement de leur stratégie commerciale pour positionner leur jeu. Selon la nature de celui-ci, on les aide à choisir le modèle économique le plus adapté pour augmenter leurs chances de réussite."
*AWEX = Agence wallonne à l'Exportation et aux Investissements étrangers
Comment se déroule l'interaction avec vos membres ? Peut-on parler d'une certaine cohésion ?
Jean: "L’ASBL est relativement jeune. Au niveau des subsides, jusqu’à l’année passée, c’était assez informel en termes de gouvernance et de communication. Depuis 2020, on a plus de moyens grâce aux subsides. On est passés par une phase de recrutement officiel des membres. Le prix de la cotisation dépend du profil. Chacun paie en fonction de ses moyens. On a pu mettre en place une newsletter, des cafés et des workshops/webinars où on invite des experts à venir parler sur certaines thématiques."
"Idéalement, on aimerait encore faire grandir l’ASBL et sa gouvernance vers une vraie représentativité du secteur. La création de collèges (startups, écoles et centres de formation, studios...) est la prochaine étape. L’objectif est que chaque collègue puisse désigner un représentant au conseil d’administration. Comme cela, on est certain que l’ASBL continue d’œuvrer dans l'intérêt de tout le monde."
Comment les développeurs de jeux gardent-ils leurs compétences à jour ?
Jean: "Avant la crise du coronavirus, via des conférences internationales avec des speakers spécialisés dans leurs domaines de compétences. WALGA co-organise également le Meet & Build à Charleroi. Ces événements représentent une autre forme de formation continue et permettent aux gens du secteur de trouver de nouvelles informations sur les tendances internationales. L’AWEX peut d’ailleurs prendre en charge jusqu’à 50% des coûts pour les entreprises wallonnes qui souhaitent y participer. Les outils eux-mêmes proposent des mises à jour et parfois aussi des webinars. C’est le cas des moteurs de jeux tels que “Unity” ou “Unreal”. Ils évoluent constamment et offrent aux développeurs la possibilité de continuer à se former par rapport à ces évolutions technologiques."
Notre but est de représenter le secteur et de fédérer les startups, les freelances, les studios établis, les écoles et centres de formation ainsi que les structures publiques qui s’adressent au gaming.
Avez-vous constaté récemment une plus grande convergence entre l'industrie du jeu et le secteur audiovisuel ?
Jean: "Selon moi, la convergence se fait surtout sous l’aspect économique, mais pas de manière institutionnelle. Pour le Tax Shelter, on a vu une levée de boucliers de l’industrie du cinéma qui a eu peur qu’on vienne manger leur part du gâteau. Je peux comprendre les craintes de l'industrie, mais il n’y a pas de raisons que les autres industries créatives ne puissent pas bénéficier du Tax Shelter. Il y a quelques années, il a été étendu aux arts de la scène et on a vu l’impact positif que cela a généré sur les projets et les emplois qui en ont découlé. C’est un outil important pour les jeux vidéo également. Beaucoup d'investisseurs souhaitent entrer dans le Tax Shelter si le gaming en fait partie.
"On travaille de plus en plus avec les mêmes outils que le secteur audiovisuel. 90% du film Star Wars est réalisé à partir d'images de synthèse et du travail d’infographie. En ce qui concerne les films d’animation, c’est de l’image de synthèse à 100%, réalisée avec le moteur Unreal. Ce sont les mêmes compétences qu’on retrouve dans les jeux vidéos. On a donc tout intérêt à collaborer et à renforcer nos compétences entre les secteurs. Le jeu vidéo est l'avenir du cinéma d’animation et de l’autre côté, le cinéma peut amener énormément de choses aux jeux vidéo. On peut aller chercher des compétences du secteur audiovisuel pour améliorer l'industrie du jeu en Belgique au niveau des scénarios et de la musique, par exemple. La frontière entre les deux industries est en train de s'estomper. Cela signifie que les développeurs de jeux auront encore plus de débouchés à l’avenir, ce qui est une bonne chose."
Constatez-vous une fuite de talents belges à l'étranger ou les studios belges sont-ils suffisamment attractifs pour les garder ?
Jean: "Clairement. C’est plus qu’un constat, c’est la motivation première de la création de WALGA. Personnellement, c’est ce brain drain qui m’a interpellé. En analysant un peu le marché, on se rend compte qu’il n’y a pas de soutien politique comme dans d’autres écosystèmes qui se sont construits (par ex. au Canada ou en Finlande)."
"Si on n’avait pas des écoles comme l’HEAJ ou des centres de formation comme Technocité et Technifutur, et si on n'avait pas cette capacité à créer des gens compétents, ce serait illusoire de vouloir créer une industrie. Mais on possède ces ressources chez nous et c'est donc dommage de les laisser partir. S’ils partent et qu’ils reviennent avec plus d’expérience c’est un plus, mais aujourd’hui on constate qu’ils ne reviennent pas. Il est essentiel de créer un écosystème local. Ensuite, on pourra créer de nouveaux studios et projets, mais également attirer les studios étrangers."
Est-ce que vous collaborez parfois avec votre équivalent néerlandophone, FLEGA ?
Jean: "Tout à fait. On organise une réunion hebdomadaire avec FLEGA et screen.brussels. On a énormément de projets communs, comme le Tax Shelter au niveau des compétences fédérales, mais également les salons internationaux. Le stand “BELGIUM GAMES” est co-géré par les trois régions. Au-delà des régions et des barrières linguistiques, vu qu’on est un petit secteur, on doit afficher une étiquette belge à l'international plutôt que de diviser flamands, wallons et bruxellois. Ça paie au niveau de la reconnaissance de la créativité qu’on possède dans les studios belges. On ose plus de choses en Belgique, et les gens ressentent cette Belgium Touch, même dans le secteur des jeux vidéo."
Un axe important pour WALGA (en 2021), ce sera l’élargissement à l’E-sport.
Quelles sont vos projets pour l’année 2021 ?
Jean: "Nos projets pour 2021 se font en format hybride avec des curseurs qu’on pourra ajuster en fonction de la situation. On espère pouvoir refaire des événements en présentiel mais on s'adaptera. On continuera certainement à faire une partie en ligne.
"Un axe important pour WALGA, ce sera l’élargissement à l’E-sport. La volonté du ministre du numérique et de l’économie qui nous a subsidié est d'englober l’E-sport. Il s’agit d’une autre dimension de l'industrie du jeu vidéo qui a une croissance à deux chiffres et qui a encore été accélérée pendant le confinement. L’E-sport s’est développé car les millenials ne sont plus devant un écran de télévision mais sur Twitch et Youtube. Beaucoup d'événements ont été annulés et remplacés par des compétitions de jeux vidéo simulant des sports physiques tels que le football mais aussi le cyclisme et les sports moteurs. Aujourd’hui, on va devoir professionnaliser le secteur pour qu’il devienne un vrai secteur économique.
"En dernier lieu, ça concerne l’usage du jeu vidéo au sens large, comme par exemple avec le jeu pédagogique. On a envie de continuer de mener une mission de sensibilisation en prenant l’initiative d'organiser des conférences pour susciter de nouveaux projets. Tous les axes d'utilisation du jeu vidéo se renforcent mutuellement, c’est donc important que Walga continue à jouer ce rôle moteur de mise en relation d'acteurs et aussi vers d’autres secteurs (sportif , audiovisuel, culturel,...) pour amener plus de projets à être développés en Wallonie."